La fin.

On ne peut pas repousser indéfiniment l’inévitable. Trois semaines après avoir mis un terme à mon aventure chinoise pour retrouver le confort de ma vie d’avant, je n’ai toujours rédigé mon «post» d’adieu. Déni de la réalité ou simple procrastination? Pourquoi pas un peu des deux? Ce texte représente le clou dans le cercueil de mon séjour dans l’Empire du milieu et de mes brèves visites dans ses pays voisins.

Six mois de souvenirs heureux et, parfois, des moments moins heureux. Or, ces courts instants, brefs épisodes de mal du pays, d’exaspération envers la bureaucratie chinoise, d’impatience envers ces masses qui vous poussent pour entrer dans le métro, de colère envers celui qui prend votre place dans la ligne d’attente ou celui qui parle au téléphone à haut niveau de décibels à cinq centimètres de votre oreille, se sont estompés rapidement. La mémoire est ainsi faite. De chacun de mes voyages, elle sait en purger les irritants. À celui qui me demande comment s’est passé mon séjour, je réponds spontanément: «extraordinairement bien».

Je me sens privilégiée d’avoir pu prendre brièvement le pouls d’une Chine en ébullition. D’une Chine qui tente de rattraper l’Occcident pour le meilleur ou pour le pire. Au-delà de la constuction effrénée, il y a cet espoir d’une vie meilleure. Comme si soudainement, le rêve du confort matériel devenait, après des décennies de politiques communistes, accessible à tous.

Ébullition économique, mais (pas encore) politique. Après la révolution du jasmin dans les pays arabes, on aurait pu s’attendre à ce que les Chinois emboîtent le pas. Qu’ils dénoncent ce parti unique qui contrôle l’Internet et qui met en prison ceux qui osent exprimer une opinion dissidente. Or, le peuple chinois n’en est pas là. Et il ne le sera peut-être pas tant que ce parti réussit à maintenir à flots une économie qui lui permet d’améliorer ses conditions de vie.

Parce qu’une image vaut mille mots, voici, en clichés, le portrait que j’ai dressé de cette Chine tantôt moderne, tantôt figée dans le temps.

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P.S. J’ignore encore ce qu’il adviendra de ce blogue. Il est possible que j’y revienne sporadiquement, au rythme de mes voyages.

Les meilleurs dumplings au monde!

Un classique chez Din Tai Fung: les xiaolongbao au porc.

D’accord, quand il s’agit de gourmandise, j’ai une légère tendance à l’enflure verbale. Il y a probablement, quelque part dans le monde, des dumplings meilleurs que ceux de Din Tai Fung. Mais après six mois en Chine et plusieurs repas dans le Quartier chinois de Montréal, ce sont assurément les meilleurs qu’il m’ait été donné de manger. Suivi de très très près par ceux du restaurant Nanxiang, près de Yuyuan Garden à Shanghai.

Din Tai Fung (鼎泰豐) est un chaîne de restaurants taiwainaise qui possède des restaurants dans plusieurs grandes villes asiatiques (Tokyo, Séoul, Shanghai, Taipei, Hong Kong, etc.) et sur la côte ouest américaine. Ce n’est pas un trésor caché. En 1993, le New York Times incluait le restaurant de Taipei dans sa liste des 10 meilleurs restaurants au monde.

Din Tai Fung possède plusieurs succursales en Chine, dont six seulement à Shanghai.

Din Tai Fung se spécialise dans les xiaolongbao, de petits dumplings cuits à la vapeur qui fondent littéralement dans la bouche. Le chef a su trouver l’équilibre parfait entre une pâte de farine juste assez mince et élastique, une huile quantité d’huile idéale et une boule de viande adéquatement assaisonnée. La quasi-végétarienne que je suis n’a pas été très difficile à convaincre de déroger à ses principes.

Mes préférés: les shao-mai au porc et aux crevettes.

Je quitte bientôt la Chine après un séjour de six mois. Les dumplings de Din Tai Fung figure assurément dans la liste des choses qui me manqueront le plus. En attendant l’ouverture d’une succursale à Montréal, je me lance à la recherche des meilleurs dumplings en ville. Des suggestions?

Veux-tu m’épouser?

Un couple a choisi les plantations de thé de Long Jing (Zhejiang) pour ses photos de mariage.

«Nǐ yuànyì jiéhūn gěi wǒ ma?» («Veux-tu m’épouser?») À en juger par le nombre de futurs mariés qu’on croise ces temps-ci dans les lieux bucoliques du pays, le mariage est toujours populaire en Chine. Chez les jeunes dans la vingtaine, le geste fait encore l’objet d’une pression sociale intense. À Shanghai, des mères de famille se réunissent dans un parc avec les photos de leurs enfants célibataires pour tenter de trouver leur âme soeur!

C’est pour les femmes que la pression est plus forte. Une femme qui n’est pas mariée à l’âge de 27 ans (les plus généreux vont jusqu’à 30) est considérée comme une indésirable. Il y a même un nom pour les désigner « sheng nu», littéralement «les filles qui restent». Les Chinois considèrent qu’avoir des enfants après 30 ans comportent des risques pour la santé de l’enfant, m’explique un ami. D’où la stigmatisation des «sheng nu». Et oui, même si le ratio hommes/femmes jouent en leur faveur, comme en Occident, des filles peinent à trouver l’homme idéal. Ou pas. Lors de mes séjours dans différentes villes du pays, je me suis amusée à prendre en photo, les couples croisés en train de faire leurs photos de mariage. En voici quelques-unes:

En bateau sur le lac de l’Ouest, à Hangzhou.

Séance de photo à Long Jing, dans la province du Zhejiang.

 

Tentative de créer un décor romantique sur la plage de Qingdao (Shandong).

Les mariés sont en fuite! (Qingdao)

Aux yeux de certains, les futurs mariés passent inaperçus (plage de Qingdao).

Sur un radeau de bambou dans la bucolique campagne de Yangshuo (province du Guangxi).

 

Aux abords de la rivière Li, près de Yangshuo (Guangxi).

La campagne de Yangshuo est très populaire auprès des futurs mariés.

Toujours dans la campagne de Yangshuo, province du Guangxi.

 

Corée du Nord: le tout-inclus ultime

Une fillette fait un tour de chant lors d’un spectacle présenté au Mangyongdae Children’s Palace, à Pyongyang.

Aller en Corée du Nord, c’est accepter de renoncer temporairement à sa liberté. Accepter de ne pouvoir se déplacer sans escorte et accepter, sans broncher, tout changement apporté à l’itinéraire. La visite de l’aciérie est annulée? Ok. Le mausolée où repose Kim Il-sung est fermé parce qu’on y installe le corps de Kim Jong-il? Soit. On ne peut retourner en Chine en train parce que des inondations ont endommagé la voie ferrée? Vraiment?!

Mélange de fascination et de désorientation, ce  récit se veut un complément à l’article paru le 15 septembre dernier dans La Presse (version papier seulement).

>>> Voir ma galerie de photos (via Facebook)

Jour 1 : Arrivée à l’aéroport de Pyongyang. Le bâtiment, qui a plutôt l’air d’un entrepôt, est bondé. Sur notre vol, une douzaine d’athlètes olympiques reviennent au pays. On devine, à l’accueil qui leur est réservé, qu’elles reviennent sans médaille. Vu l’achalandage, les douaniers sont expéditifs. «Cellphone?» «No.» «Ok». Fin de la discussion. Ma valise aurait pu sans problème être remplie d’affiches de propagande américaine et de DVD sud-coréens. D’autres, toutefois, ont dû ouvrir leurs valises.

L’aéroport de Pyongyang.

Nos guides nous attendent de l’autre côté des douanes. À partir de ce moment, ils ne nous quitteront (presque) pas d’une semelle. Il y a Miss Kim, une jeune femme de 22 ans. M. O, fils d’un diplomate et d’une chirurgienne qui souhaite suivre les traces de son père. Et M. Lee, marié, père d’un garçon et raconteur de blagues à ses heures.

Un autobus nous amène hors de Pyongyang, à Nampo, où nous devons passer la nuit dans un «spa». Par «spa», on entend une chambre avec un grand bain qu’on peut remplir d’eau chaude. Sur la route, l’autobus doit rebrousser chemin après s’être retrouvé devant un pont emporté par des inondations. La dizaine d’habitants, qui s’affairaient à reconstruire la structure, nous envoient la main.

Partout en bordure de la route, on croise des gens accroupis, des gens à vélo et des gens qui marchent: des écoliers, comme des travailleurs. À notre arrivée au Ryonggang Hot Spa, il fait déjà nuit. On nous sert une spécialité locale: des palourdes flambées à coup de bouteilles d’essence. À déguster entre deux grandes gorgées de soju «pour tuer les bactéries». Rassurant.

En plus du «spa», notre chambre est munie d’électricité (une chance à l’extérieur de Pyongyang où les coupures de courant sont nombreuses) et d’un téléviseur diffusant deux chaînes nationales.

Jour 2 : La journée débute par la visite du Nampo West Sea Barrage, un barrage long de huit kilomètres qui sépare la rivière Taedong de la mer de l’Ouest. Une vidéo sur la construction du barrage, qui fait l’éloge de l’esprit des ingénieurs nord-coréens et de la force des travailleurs, est présentée. On se rend ensuite à une usine d’embouteillage d’eau minérale. La production est arrêtée. On procède à l’entretien, nous dit-on.

Kim Jong-il accueille les visiteurs à l’entrée du West Sea Barrage.

En sillonnant la campagne, on comprend que la réalité est différente hors de la capitale. Les passants sont moins bien vêtus et les maisons, plus rudimentaires. On croise très peu de voitures. Ce qu’on nous montre n’est finalement pas très différent de la campagne chinoise. Les paysages, eux, sont magnifiques. Les champs de maïs et les rizières s’étendent à perte de vue jusqu’au pied des montagnes verdoyantes. On semble vouloir nous montrer que l’agriculture y est prospère. Pourtant, l’insuffisance de nourriture est une réalité que les guides ne démentent pas.

La campagne nord-coréenne.

Sur le chemin du retour vers Pyongyang, on emprunte une large autoroute à huit voies où les nids-de-poule sont plus nombreux que les voitures. Arrêt à la maison où Kim Il-sung a vu le jour. Un groupe d’écoliers fait la visite. On nous laisse les photographier. Ils sont réservés et très intimidés.

Des écoliers nord-coréens venus visiter la maison où Kim Il-sung a vu le jour.

À l’image de la ville, le métro de Pyongyang mise sur le tape-à-l’oeil. Si les trains sont vieux et modestes, les stations sont d’un luxe qu’on pourrait qualifier d’ostentoire. De grandes fresque à la gloire des travailleurs et du communisme, des statues de Kim Il-sung et des plafonniers aux lumières étincelantes décorent les stations. Sur le quai, des journaux de la presse officielles sont affichés. Ce jour-là, on vantait en Une la performance des athlètes nord-coréens aux Jeux olympiques de Londres. Performances qu’on diffusait en boucle sur la télévision installée dans le bar de l’hôtel Yanggakdo. Aucune mention toutefois du résultat du match de soccer opposant les États-Unis à la Corée du Nord. On tire nos propres conclusions.

Le métro de Pyongyang.

Dans le train, un haut-parleur diffuse aussi les informations. «Il parle du terroriste qui a été arrêté, nous dit Miss Kim. Un défecteur nord-coréen qui voulait détruire des statues de Kim Il-sung.» «Que va-t-il lui arriver?», je demande. «Je pense qu’il sera tué.» Honnête.

Après une visite de la place Kim Il-sung, où des écoliers répètent pendant des heures une chorégraphie pour un défilé de flambeaux devant avoir lieu le mois suivant, et une ascension de la tour du Juche, nous terminons la journée au stade May Day où sont présentés les Arirang Mass Games.

Les attentes sont grandes. Il s’agit selon plusieurs du spectacle le plus grandiose au monde. Environ 120 000 danseurs, gymnastes et écoliers y participent. À l’arrière-plan, des écoliers tenant des cartons de couleurs créent des fresques imposantes. Les participants répètent leurs numéros pendant des mois. Le résultat est incroyable. Le synchronisme est, à première vue, parfait. À ce sujet, un intéressant documentaire intitulé A State of Mind a été produit pour la BBC. Il est disponible, fragmenté, sur YouTube.

Un tableau des Mass Games.

Jour 3 : Visite de la zone démilitarisée, aussi appelée DMZ. C’est là où les deux Corées se font face, depuis la signature de l’armistice ayant mis un terme à la Guerre de Corée en 1953. On dit que c’est l’un des endroits les plus dangereux de la planète. Deux mois auparavant, je m’étais rendue du côté sud-coréen. La tension était forte. Pas le droit de pointer du doigt ou de faire quelque signe que ce soit en direction des soldats nord-coréens. Un code vestimentaire strict est aussi imposé, question de montrer au Nord la richesse du Sud.

De l’autre côté, l’atmosphère est étrangement plus décontractée. Chose qui arrive rarement, il y avait aussi des visiteurs du côté sud. Alors que nous agitions vigoureusement la main, eux n’étaient pas autorisés à lever le petit doigt. Un soldat nord-coréen s’est même fait prendre en photo avec le groupe. Deux morceaux de robot pour l’opération de relations publiques.

Panmunjom, dans la DMZ. Vue du côté sud à partir de la Corée du Nord.

On prend le dîner dans un restaurant de la ville de Kaesong. Les plus aventuriers essaient la spécialité locale: la soupe à la viande de chien. Conclusion: il paraît que ça goûte le boeuf. Il paraît, parce que j’ai évidemment refusé d’y goûter.

De retour dans la capitale, on nous amène déguster la bière de la microbrasserie Paradise avant d’assister à un spectacle d’écoliers au Mangyongdae Children’s Palace. Incroyable! Les numéros de chant, de danse et de gymnastique sont d’une qualité technique impressionnante. La salle est conquise.

Spectacle au Mangyongdae Children’s Palace.

En soirée, on se rend au tout nouveau parc d’attractions, inauguré par Kim Jong-un lui-même quelques semaines auparavant. Une foule de gens, dont beaucoup de soldats, attendent en ligne. On passe devant eux en éprouvant avec un malaise certain. «Ils comprennent, nous assure notre guide. Ils savent que vous payez plus cher qu’eux.» Quand même. Les signes d’un empoisonnement alimentaire, qui touchera plus tard plusieurs autres membres du groupe, commencent à se faire sentir. Merci aux soldats nord-coréens qui me sont venus en aide dans ce moment de détresse.

Jour 4 : Aujourd’hui, pas le droit de mettre de sandales. À moins d’y mettre des bas. Pour se rendre devant les grandes statues de bronze de Kim Il-sung et de Kim Jong-il, sur la colline Mansudae, il faut porter des souliers fermés. Tout le monde se met en rang. À go, quelques-uns d’entre nous vont déposer des fleurs au pied des statues. Quand tout le monde a réintégré le rang, on s’incline. Si se prosterner ainsi devant des dictateurs met mal à l’aise plusieurs étrangers, c’est un passage obligé pour quiconque visite la Corée du Nord. On répétera plus tard l’expérience devant le buste de la mère de Kim Il-sung au Cimetière des martyrs de la révolution. Je vous épargne ici la liste de tous les monuments qu’il nous a été donné de voir. Ils sont très nombreux et tous aussi imposants les uns que les autres.

On dîne dans une pizzéria (eh oui, on trouve de la bonne pizza à Pyongyang), puis on visite le USS Pueblo, un véritable trophée pour le régime. Ce navire espion américain a été capturé par la Corée du Nord en 1968. Le bateau a été transformé en musée où on y présente une vidéo historique, véritable petit bijou de propagande, dans laquelle on dénonce sans aucune subtilité les «impérialistes américains».

Ironiquement, c’est dans un salon de bowling, sport populaire chez les «impérialistes américains», que nous avons terminé ce séjour. Mon score? Ce qui se passe en Corée du Nord reste en Corée du Nord.

En vrac

> On revient de la Corée du Nord avec plus de questions que de réponses et avec des préjugés réduits en bouillie. Le stéréotype du peuple froid, peu accueillant et automate ne tient plus. Pas plus que la croyance répandue qui veut que tout rapport entre les étrangers et les « locaux » soit interdit. En raison de la barrière linguistique, les échanges sont évidemment brefs et superficiels. Mais, c’est un contact que plusieurs croyaient impossible.

> Les guides nord-coréens ne tentent pas de laver les cerveaux des Occidentaux. Ils tiennent cependant à exprimer leur point de vue et la version nord-coréenne des faits. «Vous êtes venus ici pour tenter de mieux comprendre, pour voir l’autre côté de la médaille, non?», demande M. O, devant nos objections à ses déclarations sur l’issue de la guerre de Corée (les Nords-Coréens parlent d’une défaite des Américains alors que le conflit s’est terminé par un armistice).

> Les guides nous suivent de près, mais s’ils vous font confiance, vous pourrez bénéficier d’une toute petite fraction de liberté. Au stade May Day, avant le début des Mass Games, j’ai pu quitter mon siège pour me rendre seule aux toilettes. Wouhou!

Vue de Pyongyang à partir de la tour du Juche.

> Pyongyang se développe pour souligner le 100e anniversaire de naissance de Kim Il-sung, m’explique Miss Kim. Des grues s’élèvent dans le ciel. Les ouvriers s’activent de nouveau autour de l’hôtel Ryugyong, dont la construction, interrompue pendant 16 ans, s’achève. Le bâtiment pyramidal de 330 mètres à l’allure futuriste ne fait plus la honte du régime. Il est plutôt l’objet d’une grande fierté.

> Ce qu’on nous montre est-il réel? La question nous hante encore. Notre autocar n’emprunte que quatre ou cinq artères où les bâtiments sont peints en rose et en vert, où des fleurs ornent les balcons et où tous les passants sont bien vêtus et en santé. On a l’impression de se trouver dans un grand village Potemkine ou dans Truman Show, ce film qui raconte l’histoire d’un homme dont la vie n’est qu’un gigantesque plateau de tournage. La frontière entre le réel et le spectacle est difficile à tracer.

> Même si on ne les voit pas, les violations des droits humains est malheureusement une réalité en Corée du Nord. Je dédie ce texte au défecteur que j’ai rencontré en mai dernier à Séoul. Si le sujet vous intéresse, voici deux suggestions de lecture: Nothing to envy par Barbara Demick et The Aquariums of Pyongyang, par Kang Chol-Hwan et Pierre Rigoulot.

Corée du Nord: mode d’emploi

La statue de Kim Jong-il, décédé en décembre dernier, a rejoint celle de son père, Kim Il-sung, sur la colline Mansudae, à Pyongyang.

La Corée du Nord, c’est le mystère, l’inconnu, le quasi-inaccessible. C’est un bastion communiste dans un monde capitaliste. C’est la survie d’un régime oppressif et l’émergence d’une puissance nucléaire. C’est un pays qu’on ne visite qu’à l’intérieur d’un tour organisé et hyper-structuré, que seulement 2000 Occidentaux s’offrent chaque année. Des voyageurs hipsters désirant «flasher dans les partys» et des gens curieux voulant mieux comprendre ce royaume qu’on dit ermite.

J’ai visité la Corée du Nord du 31 juillet au 4 août 2012 (avec un visa de touriste). Sept mois après l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un, le troisième de la dynastie. Voici un court mode d’emploi pour entrer au pays.

Comment s’y rendre

Il faut recourir aux services d’une agence de voyages (dans mon cas, Koryo Tours), qui organisera votre séjour en partenariat avec la Korea International Travel Company (KITC), propriété de l’État nord-coréen. Deux ou trois guides de la KITC, après avoir confisqué tous les passeports, suivent chaque groupe pas à pas pendant toute la durée du séjour.

Des séjours de quelques jours à plus d’une semaine sont offerts. Selon le programme et l’itinéraire, attendez-vous à débourser entre 1600 et 1700 euros (2030$ à 2160$) pour un voyage d’une semaine. Le «forfait» inclut le transport, l’hébergement, les repas et les frais d’entrée pour la plupart des sites visités.

Visa: L’agence de voyages prend en charge la demande de visa. Le visa est émis sur un document séparé du passeport que les guides reprennent à la fin du voyage. Le passeport des visiteurs n’est pas étampé par les douaniers nord-coréens.

Transport: Vols directs vers Pyongyang à partir de Pékin seulement. Opérés par Air Koryo, la compagnie aérienne nationale de la Corée du Nord. Une flotte composée de deux appareils récents et de vieux avions soviétiques. En raison de règles de sécurité «différentes», vous pourrez poser votre valise sur le siège voisin et passer l’atterrissage aux toilettes. Tous, sauf les Américains, peuvent revenir en Chine en train.

Hébergement: À Pyongyang, bon nombre de touristes sont logés au Yanggakdo Hotel, situé sur l’île Yanggak (une belle façon de contrer les tentatives de défection). L’hôtel de 47 étages comprend un restaurant rotatif, un casino, un salon de massage et une allée de quilles. Dans quelques mois, les touristes pourront loger au nouvel hôtel Ryugyong dont la construction, interrompue pendant 16 ans, sera terminée sous peu.

Vue de l’hôtel Ryugyong, à Pyongyang.

Repas: La plupart des repas sont pris dans des restaurants appartenant à KITC, donc, indirectement, à l’État. La nourriture est pas mal – essayez les nouilles froides nord-coréennes – et les portions sont abondantes. À Kaesong, pour cinq euros, on propose une soupe à la viande de chien. Plusieurs d’entre nous ont été victimes d’un empoisonnement alimentaire. Mais, la viande de chien n’avait rien à y voir.

Devises: Les renminbis chinois, les euros et, ironiquement, les dollars américains, sont acceptés. Les étrangers ne peuvent utiliser le won nord-coréen.

Au Revolutionary Martyrs’ Cemetery. On s’incline et dépose des fleurs devant le buste de la mère de Kim Il-sung.

À faire et ne pas faire

En territoire nord-coréen, les visiteurs marchent sur des oeufs. La liste des choses à faire, et surtout à ne pas faire, est longue. En voici quelques exemples:

À faire:

  • S’incliner devant les sculptures de Kim Il-sung et Kim Jong-il.
  • Acheter des fleurs pour les déposer devant les sculptures de Kim Il-sung, de Kim Jong-il et de la mère de Kim il-sung.
  • Toujours demander la permission aux guides avant de prendre une photo.
  • Lors de la prise en photo d’une représentation des Kim, toujours prendre le corps en entier. Ne pas zoomer sur le visage.

Ne pas faire:

  • Apporter des DVD ou magazines sud-coréens
  • Apporter un téléphone cellulaire et tout appareil muni d’un GPS
  • S’éloigner du groupe
  • Désobéir aux guides nord-coréens
  • Prendre en photo la pauvreté ou toutes scènes pouvant faire mal paraître le pays
  • Aborder avec les guides le sujet des défecteurs ou des camps de travail.
  • Plier une photo des Kim ou encore un journal (il pourrait se trouver à l’intérieur une photo du leader)

> À venir: le récit du voyage

Suivez le guide! (Je suis touriste et je m’assume)

Visite guidée dans un village situé près de Yangshuo, en Chine.

Viennent des moments où on ne peut plus éviter les tours guidés. Où suivre un guide agitant un drapeau aux côtés d’une vingtaine de membres de notre espèce, bas blancs aux pieds, sac à la taille, appareil photo à la main, est inévitable. Bien naïve moi qui pensait pouvoir y échapper jusqu’à mes 70 ans. Y ayant été condamnée à quelques reprises en Asie, j’ai apprivoisé ma «touristitude».

Anyway, selon le dictionnaire, nous sommes tous touristes. Moi, toi, matante Nicole, et même toi jeune voyageur backpacker à l’allure bohème. Touriste (selon Le Larousse): personne qui pratique le tourisme (i.e. action de voyager, de visiter un site pour son plaisir). À moins de visiter un endroit parce que tu es obligé, tu es un touriste. CQFD.

Évidemment, certains touristes le sont plus que d’autres. Dans le sens caricatural du terme. J’en croise chaque jour dans mon quartier, à Shanghai, de splendides spécimens. Mais, on a beau se cacher derrière le paravent de l’aventurier qui va à la rencontre des cultures locales, on éprouve tous à l’occasion un plaisir coupable à s’acheter un chapeau chinois, à payer 5$ pour une photo-souvenir ou à faire une croisière sur un bateau couvert de néons. Oui, j’ai fait tout ça. Et je m’assume.

Le fast food, «Yéye» et l’obésité

De nos jours en Chine, on voit plus souvent le visage du colonel Sanders que celui de Mao. Et que l’arche dorée de son compétiteur. Avec ses plus de 3700 succursales à travers le pays, KFC domine le marché chinois du fast food. Loin devant McDonald’s. Dans certaines petites villes de province, KFC est la seule option pour qui veut manger «occidental». Je l’avoue, j’ai moi-même succombé à l’appel du colonel à deux reprises; moi, qui n’avait pas mis les pieds dans un KFC depuis plus de 15 ans.

Mais les quelques milliers de KFC chinois ne sont pas bondés d’Occidentaux. Ils sont pris d’assaut par des hordes de jeunes Chinois maintenant accros au poulet frit. «爷爷» (yéye: grand-papa en chinois), comme on l’appelle ici, fait maintenant partie de la vie quotidienne de plusieurs Chinois. Tout comme McDonald’s, Burger King et Pizza Hut. Pour bon nombre de Chinois, le fast food est, avec le spaghetti, tout ce qu’il connaisse de la nourriture occidentale puisque seule une fraction d’entre eux peuvent s’offrir un repas dans les restaurants français, espagnols ou californiens des grandes villes.

Ce qui inquiète, c’est que plusieurs semblent ignorer les valeurs nutritionnelles d’un baril de poulet frit, d’une frite ou d’un Bic Mac.

Ma jeune prof de mandarin: «Donnez-moi un exemple de quelque chose qui n’est pas bon pour la santé.»

Moi: «Manger du McDonald’s»

Prof: «Hein?» (Elle pense que je n’ai pas compris l’exercice).

Moi: «Un Big Mac, c’est gras, c’est salé et c’est bourré de calories.»

Prof: «Ok. Alors, on pourrait dire: «Manger TROP de McDonald’s n’est pas bon pour la santé.»»

Pas étonnant que l’obésité, un sujet dont on ne parlait pas ou peu il y a 20 ans, devienne maintenant un problème de santé publique.

Il serait simpliste de pointer du doigt l’arrivée des chaînes américaines de restauration rapide alors que l’évolution de l’alimentation à la maison y est aussi pour quelque chose. Avec la croissance économique, les Chinois ont maintenant accès à davantage de produits, dont l’huile. De plus en plus de plats sont frits, frits et refrits. Mon autre prof de chinois, originaire du Sichuan, me racontait que lorsqu’il était petit, sa mère cuisinait très peu avec l’huile qui coûtait cher. Aujourd’hui, l’huile abonde dans les woks du pays. Que Weight Watchers se le tienne pour dit.

«M. Drogba, mangez-vous épicé?»

L’attaquant Didier Drogba, lors de son arrivée à Shanghai le 14 juillet dernier.

Imaginez François Gagnon demander à la nouvelle recrue du Canadien s’il préfère manger sucré ou salé. Ou Odile Tremblay à Woody Allen quelle est sa couleur préférée. C’est La Clique du Plateau qui serait contente.

Heureusement pour les journalistes chinois, la Clique n’a pas encore de correspondant en Chine. Les questions parfois surprenantes des reporters chinois m’avait frappées il y a plusieurs années lors du Festival international du film de Toronto. Fréquemment, lors des conférences de presse, l’un d’eux finissait par poser une question qui, pour l’ensemble de la salle, n’avait aucune pertinence. Demander à Penelope Cruz quel est son sport préféré n’est pas le genre de questions que nous, journalistes occidentaux, sentons le besoin d’amener en conférence de presse.

Même scénario lors de l’arrivée de Didier Drogba à Shanghai en juillet dernier. Bien que la plupart des journalistes chinois aient posé des questions pertinentes, quelques-uns ont fait preuve d’originalité:

Journaliste #1:

– M. Drogba, mangez-vous épicé?»

– «Vous devez cuisiner pour moi!», a répondu l’attaquant.

Journaliste #2:

– «Quand avez-vous entendu parler de la Chine pour la première fois?»

– «Je pense que c’était à l’école, dans un cours de géographie.»

Une autre journaliste venue de l’extérieur de Shanghai a souligné, avant de poser sa question, qu’elle était bien contente d’avoir fait le voyage et de voir Drogba en personne. «Vous êtes si beau!», a-t-elle lancé. Non, mais, on se garde une petite gêne.

Poser des questions inoffensives et faire preuve d’une gentillesse extrême envers l’interviewé est-il ce qu’on enseigne aux journalistes dans les universités chinoises? À voir le peu de liberté dont jouit la presse ici, poser la question, c’est probablement y répondre.